Conçu pour durer : J’ai ramené quelques disques et cassettes pour revenir sur des moments de votre parcours…
Nikkfurie : Ok !
Conçu pour durer : Vous pouvez présenter?
Nikkfurie : Nous sommes La Caution : Hi Tekk – Nikfurie avec Dj Fab, et toute l’équipe en concert ce soir au Bikini à Toulouse. Groupe qui est là depuis un bon moment avec sa touche particulière. Ceux qui nous connaissent verront ce que je veux dire et pour ceux qui ne nous connaissent pas, qu’ils aillent checker nos œuvres sur le net. C’est toujours difficile de se définir… On est de banlieue parisienne.
Conçu pour durer : Vos débuts en tant que rappeurs et producteurs ?
Nikkfurie : On a commencé à rapper, on va dire comme un sport, par pure passion, vers 95 et dans la foulée, à produire. A l’époque, les machines coûtaient cher, et avoir ne serait ce qu’un Atari et un sampler c’était assez compliqué en terme de thunes !
C’était l’époque où presque tout le monde produisait sur Cubase, et du coup quelques années plus tard, vers 99, on a commencé à avoir du matos à nous. Sachant que tout ce qui a été fait avant, notamment notre premier maxi qui a pas mal participé à nous faire connaître et qui, à notre grand étonnement, s’est même retrouvé dans Rappatitude, n’a pas été fait chez nous.
Le morceau « Les rues électriques », a été produit chez un ami, parce que l’on avait pas encore de machines. A partir de la fin des années 90, on a commencé à vraiment être opérationnels au niveau production et rap, et faire vraiment ce que nous on appelle le son Caution, et ce qui est venu par la suite.
Maxis : Les rues électriques / Une tour devant l’arc en ciel
Nikkfurie : Assez dur à trouver maintenant ce maxi ! C’est un peu les prémices de ce qu’on avait en nous, un morceau comme « Les rues électriques ». A l’époque, un maxi c’était quelque chose qui avait une valeur et qui était une vraie carte de visite, donc il a été conçu dans cet esprit. Sur deux titres, ça nous tenait vraiment à cœur de mettre toutes les « vibes » hip-hop qui nous ont touchées. Et « Les rues électriques » à travers tout l’électro – hip hop, quelque part c’est un peu un hommage à ça, en tout cas revisité à notre sauce. C’était assez précurseur, puisque quelques temps après, tout le monde a commencé à rechercher de ce coté-là. « Une tour devant l’arc en ciel », je pense que, que ce soit au niveau des textes ou même dans certains trucs, aujourd’hui ce serait hyper new school, sans s’envoyer des fleurs. Mais vraiment on avait ce truc-là. Parce que l’on est attaché à tout ce qui nous a fait vibrer dès notre plus jeune âge, vers les 10-12 ans : les premiers Public Enemy, Run DMC quand ils sont arrivés, réellement c’est quelque chose qui nous a fait vibrer. Sans même vouloir faire de carrière ou rêver à quoi que ce soit, cette musique-là pour nous, c’était un cataclysme. Donc du coup quelque part, on est hyper fiers de ce maxi-là, ça représente un peu notre histoire dans le sens où on a honoré à notre manière notre background musical et notamment l’électro – hip hop, et notre penchant vers la performance et la modernité. Et l’innovation avec le titre « Une tour devant l’arc en ciel » qui est construit en deux morceaux, dont un limite imbuvable pour l’époque, la fin du morceau. Les gens ne comprenaient pas pourquoi on faisait ça, longtemps, plus tard et jusqu’à aujourd’hui c’est un peu l’histoire de notre carrière. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui, on est à Toulouse, pour un album qui est sorti en 2005. Je pense qu’avoir un peu « d’avance », et encore une fois c’est relou de s’envoyer des fleurs, mais l’intérêt pour nous de faire des albums, c’est que ce soit vraiment travaillé et qu’on essaie d’être à la pointe, puisqu’on est des vrais puristes et c’est notre truc. On se dit pas le mec de 14 ans, aujourd’hui il aime bien le rap, comme ça directement, cru, un peu gamin, alors on va lui donner ce qu’il veut. Nous, on se dit non, c’est nous qui savons ce qui peut être bien et qui pouvons défricher dans les choses et quelque part c’est ce principe-là qui est incarné par ce maxi « Une tour devant l’arc en ciel / Les rues électriques ». Même dans la nomenclature, même dans les titres, on sentait déjà un côté Caution vraiment, et je pense que c’est vraiment les prémices de notre carrière et c’était sorti chez Assassin Production. On avait eu la chance du coup que ce soit un peu plus promotionné que si on l’avait sorti tout seul.
Conçu pour durer : Comment ça se fait que ce soit sorti chez Assassin Production ?
Nikkfurie : Je vois que tu as la réponse dans l’autre vinyl qui est juste derrière (rires).
Maxis : L’avant-garde – On n’a que ça feat Casey
Nikkfurie : Notre première apparition on va dire officielle. On avait fait quelques mixtapes, quelques compils, une avec TTC, je crois que c’était « Vague Nocturne ». Mais l’avant-garde, c’est le premier truc qui sortait officiellement, avec un peu de retentissement. C’était une série de maxis qui voyait se côtoyer quelqu’un d’assez confirmé et des jeunes pousses qui arrivaient, en l’occurrence nous. Et du coup on a participé dans le premier maxi « L’avant-garde » qu’Assassin production faisait. Au niveau de la vibe, et au niveau de la qualité de ce que l’on faisait, il se disait qu’il y avait quelque chose à travailler, et nous on était hyper contents de travailler avec une écurie pionnière dans la vibe hip-hop. Et puis voilà, on a fait un petit bout de chemin ensemble jusqu’à la tournée (Touche d’espoir ndlr). Après je pense que c’est tellement singulier notre approche musicale, et notre carrière est tellement singulière, ça tombait sous le sens de monter son propre label, et d’avancer tout seul.
Mixtape : La Contrebande
Nikkfurie : La Contrebande, un gros big up à eux. C’est réalisé par la Bande des 4, et ça avait été réalisé dans le studio de la Bande des 4 à l’époque. La Contrebande c’est une équipe de gars de notre coin, Montreuil, Bagnolet, Les Lilas, Noisy-le-Sec, qui avait une approche très punchy du hip-hop, on va dire ça comme ça. C’est eux par exemple qui ont lancé les premiers clashs, mais dans le sens de l’art. C’est-à-dire positif avec le mec plus fort au micro, pas forcément avec des insultes, de la surenchère à 2 balles de gamin, etc… C’était vraiment très hip-hop leur manière d’appréhender les choses, et du coup sur la tape de La Contrebande il y a des titres qui pareil étaient sans calcul, sur des instrus je pense à l’époque de rappeur comme Necro, etc… Pas tout le monde allait poser sur ce genre d’instrus-là, sur une mixtape plus officielle, et plus big que celle-là. En tout cas, La Contrebande c’est des gens qui avaient une pure vibe, et une pure approche hip-hop tout simplement. Et nous, on se reconnaissait bien dedans, et ça a donné lieu à des morceaux, et à cette mixtape.
Mixtape : L’antre de la folie
Nikkfurie : « L’antre de la folie » ça faisait suite à « Un jour peut être », qui était une autre mixtape qui a quelque part inauguré le label Kerozen, sans vraiment que ça existe juridiquement parlant ou quoique ce soit. C’était vraiment une marque de fabrique. Et à l’époque, avec Mouloud Achour de Canal +, avec qui on a monté tout ça, on s’était dit qu’il fallait que l’on monte notre propre marque de fabrique, au moment où justement on décidait de plus bosser avec Assassin au sens où on avait trop d’envies, trop de motivation, on avait envie de sortir de notre truc. On se disait : « notre truc est atypique, personne ne l’a fait, si on ne commence pas à l’installer maintenant … ». Il fallait qu’on le sorte. Du coup, on a monté Kerozen, et pour se lancer et pour commencer à apprendre un peu le taf, on avait fait deux mixtapes : « Un jour peut être » qui regroupait pas mal d’acteurs du rap français de l’époque, qui était une mixtape assez cool. Et « L’antre de la folie ». C’était un projet qui avait été monté avec James Delleck à l’époque, Tekilatex, tout le crew Armée des 12, tous ces groupes étiquetés alternatifs, rap spé, etc… qui à l’époque, se rejoignaient sur une chose : derrière un mic il fallait avoir sa singularité, sa technique, sa performance. C’est né vraiment de cette effervescence, et comme pas mal de personnes, notamment Hi Tekk ou James Delleck, qui ont des univers assez poussés au niveau cinématographique, science fiction, etc… ça avait été conceptualisé, et le principe de « L’antre de la folie » était né. Ca a donné lieu à des morceaux sans calcul total, car plus le concept est dingue, plus tu peux te lâcher. Et du coup, ça a donné des titres qui sont vraiment pas mal.
Maxis : Toujours électriques / Entre l’index et l’annulaire
Nikkfurie : Alors « Toujours électriques », comme son nom l’indique c’est une revisite du morceau « Les rues électriques », puisque à ce moment-là on enregistrait et on travaillait sur des nouveaux morceaux, et stratégiquement on était le groupe qui avait fait « Les rues électriques » qui passait sur Radio Nova en boucle. C’est-à-dire que Radio Nova passait très peu de rap à cette époque. Ils s’étaient fâchés avec le rap, et quelque part on a eu un maxi plébiscité. Nous on s’est dit, pour l’instant La Caution ça n’existe pas, c’est une bribe de cette petite mélodie (il chantonne la boucle ndlr) … donc retafons une version qui sera un peu « Les rues électriques 2 », c’est devenu « Toujours électriques », histoire d’amener ce qui va être plus dur pour des gens, car les « Les rues électriques » c’est plus funky, plus ludique… Un peu dans l’idée de notre premier maxi, ou la face A « Les rues électriques », c’est plus dansant, bougeant etc… et la face B beaucoup plus dark, et amène à comprendre des choses rapologiques. C’était la même chose avec l’album avec des morceaux comme «Almanach», «Asphalte Hurlante», «Rétrospective » qui sont pour l’époque, comme on se disait, trop underground. Ca nous tenait à cœur d’avoir des bangers, des titres qui boostent, un titre plus profond et plus deep et plus underground pour avoir un vrai album de rap. C’est qu’on estime qu’un vrai album de rap, c’est pas forcément que des hits, c’est aussi des titres profonds. Ce genre de titre profond, c’est ce qui a fait que le rap est devenu pour nous notre genre favori. C’était hyper profond, il y a des morceaux qui te transportaient, et c’est pas forcément les singles.
Conçu pour durer : Sur la face B, on retrouve Les Cautionneurs et Prophecy sur le morceau « Entre l’index et l’annulaire ».
Nikkfurie : Ca, c’était aussi pour faire une pierre deux coups. Amener l’équipe et commencer à faire connaître l’équipe, dont 1664 qui est là ce soir, et Prophecy avec qui on avait beaucoup d’atomes crochus au niveau de la vibe, de l’ambiance, et au niveau humain. Et du coup, on s’est dit en face B c’est pas mal de glisser ce titre-là, histoire d’amener notre univers pas que sonore, mais l’univers humain qui gravite autour de nous. En l’occurrence Les Cautionneurs et Prophecy.
Album – Asphalte Hurlante
Conçu pour durer : Il y a eu deux versions. Dans un premier temps la version CD, et dans un second temps la version LP. Pourquoi ?
Nikkfurie : La première version a été réalisée dans un premier jet de 12 titres. Elle a été faite vraiment avec tout ce qu’on avait maquetté, enregistré entre l’époque post Assassin et la sortie de cette première version. A l’époque, il y avait un label qui s’appelait Chronowax, qui était un distributeur indépendant, qui distribuait pas mal de disques, et qui avait pas mal accroché sur la vibe La caution, et avec qui on s’entendait bien. On voulait avancer, il fallait rendre quelque chose assez rapidement, donc on avait ces quelques titres là. Le fait est qu’on aime bien faire des gros albums, justement parce que l’on se dit que quand un mec met des sous dans un album, en fait non c’est pas une histoire de sous, ce qui est kiffant c’est que six mois, un an ou deux ans plus tard, il bloque sur tel morceau plutôt que les titres qui sont apparus évidents d’entrée, c’est kiffant. Du coup d’entrée on a eu l’ultime édition, avec 17 titres, qui nous est venue à l’esprit, on s’est dit qu’il fallait qu’on réagrémente la première version, qui du coup est collector car c’est un petit album en quelque sorte. Et ensuite cette ultime édition est devenue la version officielle avec des morceaux comme « Metropolis » qui se sont rajoutés, et qui sont pour nous des morceaux phares de notre carrière. Autant il peut y avoir « Les rues électriques », « Toujours électriques », autant « Metropolis » dans cet album « Asphalte Hurlante », c’est dans l’esprit « Code Barre » de l’album « Peines de Maures ». Même si c’est des titres qui vont parler qu’à des gens avertis, mais on est pas là pour niveler par le bas, et on fait pas de la musique que pour le mec de quatorze ans comme je te disais tout à l’heure. Nous ce qu’on aime bien c’est voir des petits jeunes qui sont comme nous. Et nous, on avait aucune raison d’écouter des grosses guitares et « Licensed to ill » des Beastie Boys à douze piges. On avait aucune raison d’écouter ça, on écoutait du funk et la musique arabe à la maison, et pourtant pour nous c’était la révolution : « C’est quoi ce truc de fou, y a trop de wash… ». Et on se dit qu’on essaie de faire de la musique pour ceux qui quelque part nous ressemblent, au niveau de l’approche musicale.
Album – L’armée des 12 – Cadavre exquis
Nikkfurie : Avec TTC, on s’est rencontré très tôt dans notre parcours, on s’est rencontré à l’époque car on avait un DJ commun, DJ Cruz, qui est maintenant le DJ de Sam the Kid, un des rappeurs phare au Portugal. Et du coup, il faisait des sons pour nous et eux, c’est notamment là-bas ça que j’ai commencé à travailler Cubase … Et ça a donné lieu à pas mal de freestyles ensemble, d’échanges artistiques, et il y a eu cette idée de crew qui était née totalement officieusement à une certaine époque, et qu’on appelait L’armée des 12. Je sais plus exactement pourquoi, mais c’est sûrement mon reuf, Hi Tekk qui a certainement quelque chose à voir là dedans. Et du coup c’est resté, et quelques années plus tard, on s’est dit que c’était le moment idéal de s’enfermer un mois en studio. Aucune des six personnes (car il y a Saphir, les trois de TTC, et nous deux de La Caution) ne savait ce qu’il allait en sortir, ce qu’il allait être fait, et c’est pour ça que l’album s’appelle « Cadavre Exquis », c’est purement le fruit d’une vibe de groupe qui ont, chacun, une vibe singulière de leur côté. Et je pense que pour beaucoup c’est un album qui est resté assez culte dans le sens ou il y a des morceaux où on se dit : « Les mecs ont des couilles d’avoir fait un morceau qui quelque part n’a pas de sens ! » (rires). Un morceau comme « Cadavre exquis », que ce soit dans le thème, dans l’approche, très peu de gens expérimentaient de cette manière là et aussi naturellement. Je pense que ça restera un très très bon souvenir, et quelque chose qui a aussi agrémenté la qualité de notre label, car c’est sorti chez Kerozen. Et je pense honnêtement qu’on a pas fait beaucoup de fausses notes, voire très très peu à ce niveau là. Et qu’on peut tout sauf nous taxer d’opportunisme ou de quoi que ce soit grâce à ce fameux disque (rires).
Maxis – Thé à la menthe
Nikkfurie : « Thé à la menthe » c’est le hit international de La Caution. La Caution est connu mondialement via « Thé à la menthe » quasi exclusivement. Ce qui est super bien c’est que ça amène beaucoup d’étrangers à calculer le reste et du coup on a une réputation assez fraîche à ce niveau là, et notamment au niveau de la vibe musicale. « Thé à la menthe » ça a été composé à la base pour être sur un court métrage « Tarubi l’arabe strait » de Kim Chapiron. Dans cette composition, il y avait tout ce qui était vraiment oriental, et je surkiffais tellement le résultat que je me suis dit qu’il fallait absolument faire un morceau, et le titre « Thé à la menthe » nous était apparu hyper clairement. Je pense que, encore une fois c’est peut être s’envoyer des fleurs mais c’est la vérité, personne n’a jamais travaillé la musique orientale de cette manière là ! Et c’est pour ça justement que ça s’est retrouvé sur un énorme film « Ocean 12 », où le mec aurait pu avoir la musique de n’importe qui au monde, à part vraiment les mecs chipoteurs. Et le mec qui a fait le reste de la musique a passé quatre mois à essayer de plagier « Thé à la menthe » pour le remplacer, car c’était une scène très importante dans le film, donc du coup il s’est dit : « faut que je la garde cette scène ». Là c’était l’expression même de notre singularité et mondiale cette fois ci, ça nous a permis de tourner dans toute la planète. On parlait tout à l’heure entre nous du Kazakhstan, de l’Asie mineure, de la Turquie, de l’Azerbaïdjan…il y a un mec qui l’a repris et qui a été numéro un, sous son blaze avec notre morceau, c’est un peu marrant que ça soit arrivé. Même en Amérique latine ou aux Etats-Unis, énormément de gens ont donné du respect à notre approche musicale et quelque part, on est hyper fiers de ça parce que l’on se dit que le patchwork musical qui crée une manière de composer, nous on l’a plutôt bien réussi. A savoir qu’on était d’origine maghrébine et tout ce que l’on a ingurgité grâce à nos origines marocaines et à nos origines françaises également parce qu’on est aussi en France et que la musique de nos banlieues, ça allait de la variété française du type Starmania, Balavoine … au funk, au hip-hop, plus tout ce qu’on absorbait indirectement à la télé : la new wave, la cold wave, le rock, la pop … Tout ce mélange-là a créé notre touche et du coup « Thé à la menthe » c’est quelque part l’exemple type du son qui n’est fait que par La Caution. Après, il y a eu Chemical Brothers avec le truc un peu rebeu électro, mais c’est vrai qu’à la base on a vraiment défriché ce truc-là, sans vraiment le faire exprès. Ce maxi-là, qui est sorti après coup, c’est vraiment notre titre phare. On est tellement dans de différentes vibes que je dirais pas forcément que c’est notre titre préféré. Mais on a énormément d’affection pour lui, c’est notre blockbuster à nous !
Album – Peines de Maures / Arc en ciel pour Daltoniens
Nikkfurie : Pareil, j’ai pas souvenir d’album bi-intitulé dans l’histoire du truc. Pareil, c’est notre gourmandise de faire de la musique sans réellement de calcul. Se dire qu’on a plein d’idées de morceaux, on y va, on travaille, on fait, et au final on veut tout garder. On s’est dit : « Beh écoute ça, ça a l’air dans la même vibe, un peu dark un peu véner ». J’aime pas dire ça, mais on va le dire quand même, plus hip-hop, etc… et on avait ce concept de « Peines de Maures » qui était pour nous un concept fort parce qu’on commençait à subir de plein fouet l’islamophobie et compagnie, au minimum ce que nous on a appelé l’islamo-réticence même si on n’est pas forcément islamophobe. Tu arrivais, les gens avaient un peu peur de tout ça, post 2001. Du coup, nous de l’intérieur on sentait ce climat arrivait, ce qui est aujourd’hui affreux. On avait ce titre là qui nous tenait à cœur, mais il y a pas mal de titres qui étaient beaucoup plus sympathiques, ouverts… Soit ils dénaturaient le titre, soit le titre était trop fort pour eux. Et du coup, on a trouvé un autre titre qui correspond aussi parfaitement à ce qu’on essaie de faire dans la musique, c’est « Arc en ciel pour Daltonien ». On voyait des arcs en ciel, on envoyait des morceaux, c’était des couleurs, nous on l’a vu orange, on a fait une tournée énorme d’environ 350 dates, et tu as des gens qui voient le même morceau d’une couleur différente. C’est symbolisé dans « Arc en ciel pour Daltonien », dans cette métaphore, et du coup sur cet album là, il y a 31 titres, on s’est fait plaisir et j’espère qu’on a fait plaisir à ceux qui nous suivent, et on a été dans plein de vibes différentes. C’est ce qui nous met d’autant plus la pression car je me souviens que quand on a commencé à composer cet album là on se disait qu’on surkiffait « Asphalte Hurlante » parce que je pense que c’est très important de vraiment aimer ce que tu as fait, il faut avoir du recul critique sur ce que tu as fait certes, mais tu as posé une œuvre, qui plus est, une œuvre travaillée, pointue et qui ne peut pas plaire à tout le monde. Je pense qu’à l’époque il y a beaucoup de gens qui se disaient : « c’est quoi ce truc là ? » en écoutant « Asphalte Hurlante », des morceaux comme ça parce qu’ils étaient trop soft, ils avaient une oreille trop easy listening pour pouvoir rentrer dedans. Mais nous on savait ce que l’on était en train de faire et du coup on avait la pression de se dire qu’il fallait au moins qu’on égale « Asphalte Hurlante », sans faire un « Asphalte Hurlante » bis. Et je pense qu’on a réussi notre pari. Il y a une continuité mais il y a quand même une différence, et la grosse pression on la ressent également maintenant parce que l’on bosse justement sur le prochain album. On a eu pas mal de retard à cause d’une catastrophe naturelle où notre studio à été balayé par une inondation, et donc on a perdu pas mal de choses. Mais tout ce qu’on bosse sur le prochain album, on espère encore arriver à relever le challenge et à ne pas décevoir ceux qui nous suivent, et nous augmenter la dose par rapport aux deux autres albums ou au moins arriver à être dans la continuité en terme de qualité et de satisfaction de la chose.
Album – La Caution rend visite aux gens
Nikkfurie : C’était clairement un projet tournée. On a fait tellement de concert, et franchement un accueil mortel, et comme je te disais notamment à l’étranger grâce à « Thé à la menthe ». Le fait de se retrouver dans plein de bleds et la chance qu’on a, c’est le fait d’être ce que les gens trouvaient compliqués chez La Caution, à savoir une écriture assez dense, un flow hyper rapide, qui change souvent, etc … et pour nous c’était aberrant que quelqu’un et surtout les journalistes, les radios se disent « mais vous changez trop de trucs… ». Pour nous c’était ça, un bon rappeur ! Si n’importe qui dans sa MJC arrive à faire la même chose que lui, finalement il n’est pas bon. Il est juste simplement plus opportuniste, ou il a eu certainement plus de chance, mais nous à cette époque là, on disait : « Notre truc, plus tu peux l’amener techniquement dans la maîtrise des temps, mieux c’est ». Et ça, sur notre tournée, ça s’entend. Un concert d’une heure en français en Equateur, il faut avoir les sons et le flow qui va avec parce que si tu es sur quelque chose d’assez plat et d’assez raconté, les mecs ils se font chier, parce qu’ils ne comprennent pas ce que tu racontes. Nous, honnêtement, c’était complètement dingue. On ne s’est pas rendu compte mais on a eu de la chance et je me souviens notamment de ce concert là où un morceau comme « Casquette grise », qui est un morceau hyper rock quelque part, hardcore … dans ce festival-là, avec pleins de mecs métal d’Amérique Latine qui kiffent grave, les mecs étaient comme des oufs ! Et tout cette panoplie qu’on avait nous a permis d’aller rencontrer du public et de revenir. On s’est dit qu’il fallait que ces images là, on les montre. On avait quelques images, et pour couronner le tout pourquoi pas faire remixer des titres par des gens dont on aimait la vibe, et ça a donné « Des gens revisitent La Caution », et il y a eu pas mal de remixs qui ont été plutôt cool je pense.
Conçu pour durer : Prochain album ?
Nikkfurie : On envoie très bientôt je pense un ou deux titres qui seront des éclaireurs, un peu comme « Code barre » l’avait été quand on l’avait balancé longtemps avant, et limite je pense pas que ce soient des titres ludiques dans le sens commercial du terme. On a un challenge à relever qui est celui de faire un album quasiment huit ans plus tard. Je pense, encore une fois sans vantardise aucune, mais c’est la réalité quand j’entend le panorama actuel et que certaines personnes se disent ultra new school avec des chose qu’on a fait en 1997-98. Je me dis « Ok, on va arriver remettre une petite couche d’une certaine violence » (rires). Et puis, j’espère que vers le début 2013 tout ça arrive dans les oreilles des gens et que ça va leur plaire !
Interview réalisée le 25 Octobre 2012 – Le Bikini (Toulouse).
Remerciements : Nikkfurie, Dj Fab, Antoine (Le Bikini), Kerozen Music, Laura.